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Maxime Forest : « L’égalité femmes-hommes, un puissant levier d'innovation et de transformation sociale »

Maxime Forest est maître de conférences à Sciences Po et chercheur au sein de l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE - Sciences Po) et du Programme de recherche et d'enseignement des savoirs sur le genre (PRESAGE). À l’occasion de la Journée internationale des droits des femmes du 8 mars, il revient sur les principaux enseignements de l’étude « La parité : un enjeu pour les fondations et fonds de dotation en France », réalisée fin 2022 par l’Observatoire de la philanthropie de la Fondation de France et Hazal Hatay, chercheuse au Cevipof.

L’Observatoire de la philanthropie de la Fondation de France a publié fin 2022 une étude sur la parité dans les fondations et fonds de dotation. Qu’en retenez-vous ? Avez-vous été surpris par ces résultats ?

Le propre des études sectorielles sur la parité est justement de n'offrir que très peu de surprises. Les mécanismes de ségrégation horizontale – l'inégale distribution des femmes et des hommes d'un secteur d'activité à l'autre et au sein de chaque secteur, leur inégale répartition entre différents types de fonctions et métiers, sont bien connus. Il en va de même du phénomène de ségrégation verticale, en termes d'accès aux fonctions de management et à la prise de décision. Le mérite de telles études, en revanche, est d'offrir une vision plus précise des conditions dans lesquelles fonctionnent ces deux mécanismes fondamentaux des inégalités femmes-hommes, au regard des spécificités de chaque secteur.

Dans les secteurs de la philanthropie et de l'économie sociale et solidaire, la place historique du bénévolat, associé à l'éthique de la sollicitude ou du soin à autrui – le fameux care – pose des enjeux bien spécifiques en termes de féminisation et d'égalité entre les femmes et les hommes, que l’étude de la Fondation de France concoure à dévoiler. Par ailleurs, chaque étude sectorielle sur les questions de parité lève un peu du mystère qui entoure les mécanismes de reproduction du pouvoir, y compris dans un secteur voué au bien commun. Cette étude, conduite à partir des apports les plus récents de la littérature sur la parité, est un point de départ particulièrement fécond s'il est utilisé pour agir en faveur d'une prise en compte transversale de l'objectif d'égalité par les fondations et fonds de dotation en France.

Quelles doivent être les priorités pour progresser dans ce domaine ?

La priorité, dans la philanthropie comme ailleurs, est d'admettre que l'actuelle division des rôles et fonctions entre les femmes et les hommes au sein des fondations et fonds de dotation n'est pas satisfaisante et contrevient aux buts poursuivis et aux valeurs prônées par le secteur philanthropique, dont on peut légitimement attendre qu'il fasse preuve d'exemplarité en ce domaine.

Favoriser l'appropriation des conclusions de cette étude par les personnes exerçant la prise de décision au sein des fondations et fonds de dotation, et s'en servir comme diagnostic de départ dans le cadre d'un travail de sensibilisation interne constituera une autre priorité. Toutefois, l'expérience montre qu'il est vain d'attendre une prise de conscience spontanée suivie d'effet : seule une action coordonnée, prenant à bras le corps l'ensemble des enjeux soulevés dans l'étude – par exemple sous la forme d'un plan égalité à l'échelle d'une fondation ou d'un fonds, doté d'indicateurs de suivi et de ressources appropriées, permettra d'enregistrer des progrès notables et de sortir du « wishful thinking » ou d'approches centrées sur les individus, telles que le mentoring ou le coaching. Les exemples issus d'autres secteurs, comme la recherche et l'innovation, montrent que ce ne sont pas tant les individus que les structures qu'il faut transformer. 

De ce point de vue, il me semble important d'aller au-delà de la seule question de la parité, et d'interroger sous l'angle de la prise en compte du genre l'ensemble du fonctionnement du secteur : femmes et hommes contribuent-ils de la même manière et dans les mêmes conditions d'exercice et de reconnaissance au fonctionnement du secteur philanthropique ? Les éventuelles différences en la matière sont-elles associées à diverses formes de hiérarchies, faisant éventuellement intervenir d'autres facteurs d'inégalité, tels que l'âge, le handicap, l'origine. Les buts mêmes poursuivis par les fondations et les fonds de dotation, ainsi que les publics adressés, sont-ils définis en tenant compte des problématiques de genre ou au contraire de manière neutre ?

La question du genre et de l'égalité femmes-hommes ne se pose pas seulement en termes d'égalité formelle : elle constitue aussi un puissant levier d'innovation et de transformation sociale, qui permet d'adresser des besoins peu ou mal identifiés, mais aussi de mieux répondre à ceux déjà identifiés, grâce à une meilleure connaissance des publics et des mécanismes de reproduction des inégalités. Loin d'être un objectif annexe ou un simple engagement à réaliser parmi d'autres, la parité est un outil de transformation organisationnelle, un but stratégique en soi.

De manière plus générale, quel rôle la philanthropie peut-elle jouer selon vous pour favoriser l’égalité femmes-hommes et la diversité ?

D'abord, ce secteur exerce une responsabilité particulière au regard de ses buts mêmes. On ne concourt pas aussi efficacement à l’intérêt général ou au bien commun sans faire preuve soi-même d'une certaine exemplarité en matière d'égalité, de diversité et de non-discrimination. De ce point de vue, le fait que cette étude intervienne si tard, au regard d'autres secteurs, interroge et place en quelque sorte la barre plus haut. Passer par les étapes auxquelles ont sacrifié d'autres secteurs – les entreprises traditionnelles, les universités ou la politique, par exemple, avant de parvenir à un certain niveau de parité et de s'imposer certaines pratiques, est difficilement envisageable. Il convient d'en brûler un certain nombre, en allant directement à ce qui marche et sans attendre l'intervention du législateur, qui viendra tôt ou tard.

Au-delà de cet enjeu particulier, c'est à travers les réponses qu'elle apporte aux grands chantiers environnementaux et sociaux – de la lutte contre la précarité énergétique, en passant par l'inclusion sociale sur nos territoires, à l'aide au développement international et à la lutte contre les changements climatiques – que la philanthropie peut efficacement promouvoir l'égalité femmes-hommes. Car il n'existe aucun enjeu social, environnemental ou même technologique majeur qui ne présente une dimension de genre. Être en mesure d'adresser cette dimension impose d'aller au-delà du seul objectif de parité et de réinterroger le réel au prisme des inégalités femmes-hommes, des discriminations multiples et des biais qu'elles engendrent. C'est, me semble-t-il, un défi à la mesure de ce secteur.


#CAUSEDUMOIS\DISCRIMINATIONS

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