Kabubu : le sport comme outil d’inclusion pour les personnes exilées
Soutenue par la Fondation de France, l’association Kabubu œuvre pour l’inclusion sociale et professionnelle des personnes exilées grâce à la pratique du sport. Rencontre avec sa co-fondatrice Noémie Marchyllie.
Comment est née l’association Kabubu ?
Fin 2017, j’étais bénévole pour le centre d’accueil des personnes exilées la Bulle, à la Porte de la Chapelle à Paris. En rencontrant ces personnes, je me suis rendue compte qu’elles n’avaient pas accès à une activité sportive car pratiquer du sport en club nécessite une licence, de quoi la payer, un équipement sportif et un lieu d’habitation stable. Par ailleurs, à Paris, les personnes migrantes sont nombreuses, beaucoup sont sans-abri et, même si nous les croisons au quotidien, nous les rencontrons peu. De ce constat est née l’idée d’utiliser le sport pour créer du lien social avec elles. Un premier tournoi de football a rassemblé nos amis et les personnes exilées rencontrées durant ce bénévolat. Le succès a été tel que la création de l’association à Paris s’est naturellement faite en 2018. Deux antennes ont été lancées ensuite, à Lyon en 2020 puis à Strasbourg en 2022. Kabubu signifie « l’amitié par le sport » en swahili, comme me l’avait expliqué à l’époque un exilé congolais. L’objectif premier de l’association est d’organiser des sessions de sport qui rassemblent personnes exilées et personnes locales, gratuites, inclusives et adaptées à tous les niveaux, pour ainsi créer des liens qui perdurent en dehors des activités.
Quelles actions déployez-vous au quotidien ?
Nous proposons chaque semaine une trentaine d’activités sportives individuelles et collectives (course à pied, badminton, danse, escalade, football en salle…). Nos coachs animent aussi des sessions de sport dans des structures sociales (centres d’hébergement, centres d’accueil…) pour aller vers les personnes en situation de vulnérabilité.
En 2019, nous avons lancé notre organisme de formation pour accompagner les personnes réfugiées dans les métiers du sport (arbitre de football, sauveteur aquatique, animateur sportif…). Nos programmes de formation incluent des cours de langue, d’appropriation des outils numériques, ainsi qu’un accompagnement dans les démarches sociales et administratives. Nous travaillons en collaboration avec des structures telles que l’UCPA ou la Fédération Française de Football pour les enrichir. Les promotions de douze personnes sont accompagnées dans leur formation pendant quatre à six mois.
Enfin, pour sensibiliser à la question de la migration de façon pédagogique et ludique, nous avons créé la Fresque de la migration, un outil d'information qui retrace le parcours administratif et juridique d’une personne exilée, destiné au grand public et aux entreprises.
À l’occasion des Jeux Olympiques et Paralympiques, nous avons créé un nouveau parcours qui s’intègre dans notre Fresque de la migration, intitulé « Arezou » et inspiré des expériences d’athlètes faisant partie de l’équipe olympique des réfugiés. L’objectif : lutter contre toutes formes de discriminations et inspirer notre communauté. Nous allons aussi proposer des activités sportives presque tous les jours durant cette période.
Pourquoi avoir créé le programme Potenti’elles, exclusivement destiné aux femmes ?
En 2019, nous avons constaté que les femmes ne participaient quasiment pas à nos activités alors qu’elles représentent 40% des demandes d’asile déposées en France. Grâce au soutien de la Fondation de France, nous avons développé le programme Potenti'elles, 100 % féminin. Il permet aux femmes exilées et locales de découvrir des activités sportives (randonnées, rugby, basketball, football, yoga…) pour se connecter à leur corps avec douceur et bienveillance et reprendre confiance en elles.
Après six ans d’existence, quel bilan tirez-vous de l’action de l’association ? Quelles sont vos perspectives pour la suite ?
Nous avons parcouru beaucoup de chemin en six ans. En 2023 par exemple, l’association a organisé plus de 1 000 séances sportives, auxquelles ont participé 4 000 personnes et nous avons formé 70 personnes. Tout cela ne serait pas possible sans l’engagement de nos 120 bénévoles qui permettent de faire vivre l’association.
Pour accroître notre impact, la Fondation de France nous accompagne actuellement sur une durée de trois ans. Elle nous a aussi aidé à trouver de nouveaux partenaires comme la Fondation Chance. Désormais, nous souhaitons développer notre pôle de formations et essaimer nos connaissances à plus grande échelle.
Une anecdote marquante à partager ?
J’ai eu la chance d’être porteuse de la flamme olympique le 14 juillet, place de la Bastille et, à cette occasion, j’ai retrouvé un des bénévoles de l’association, d’origine iranienne, qui participe à l’encadrement des sessions d’escalade. Désormais, il est le cycliste qui accompagne le photographe qui suit les porteurs de flamme. C’était très émouvant de le retrouver et de réaliser tout le chemin qu’il a parcouru.
Je pense aussi à Shabnam, activiste pour le droit des femmes en Afghanistan qui a participé à notre formation pour devenir animatrice sportive. Elle anime désormais des sessions de sport pour aider les femmes à se sentir mieux physiquement mais aussi mentalement.
Crédit photo : @Maxime_picts
#CAUSEDUMOIS\SPORT - JUILLET 2024
POUR ALLER PLUS LOIN
→ « Courir comme une fille : ma dernière énergie dans la bataille » - Nicole Abar