Numérique et démocratie : des relations paradoxales
Le 28 novembre, la Fondation de France a organisé la troisième rencontre de son cycle d’échanges « InterSections - Les dialogues de la Fondation de France ». Cet événement a réuni des acteurs engagés autour du thème : « numérique et démocratie, enjeux et perspectives ».
Quels sont les liens entre le numérique et la démocratie ? Comment le numérique peut-il devenir garant d’une vie démocratique dynamique et constructive ? C’est à ce sujet qu’étaient dédiée la troisième édition des rencontres InterSections, croisant les regards de chercheurs, d’acteurs du monde associatif et de la vie publique.
« Entre pluralité des voix qui s’expriment et la polarisation du débat public, le numérique favorise la participation d’un large public et la radicalisation des prises de positions. Ce sujet complexe a une place centrale dans la stratégie d’action de la Fondation de France, avec la volonté de construire un numérique au service de l’humain » a rappelé en ouverture Alexandre Giraud, directeur du mécénat de la Fondation de France.
Pour mieux comprendre les enjeux qui lient ces deux notions, les chercheurs Yaël Benayoum et Jaques-François Marchandise ont proposé un cadrage académique. Face aux situations d’exclusion numérique et de délitement d’accès à la connaissance, le numérique doit notamment permettre la « réappropriation des savoirs pour tous en outillant les publics en difficulté et être un support pour créer des dynamiques collectives ». Ainsi, la coalition « Dématérialiser sans déshumaniser » soutenue par la Fondation de France, part du principe que la dématérialisation des services publics doit s’adapter aux usagers et non l’inverse. Pour cela, elle recueille leurs témoignages pour adapter les outils numériques.
Dans un second temps, une table ronde a réuni plusieurs acteurs venus partager leurs points de vue sur ce sujet. Erika Campello, responsable du centre de ressources de VoxPublic a rappelé que « les outils numériques ne sont pas neutres, ils ont des biais culturels et sociaux. Il est essentiel d'avoir conscience du caractère politique de leurs choix, pour éviter la perpétuation voire l'aggravation des inégalités, et permettre plus d'inclusion ».
Pour Sarah Durieux, co-directrice de Multitudes Foundation et ancienne directrice de change.org, le numérique doit se mettre au service de la démocratie et renforcer le pouvoir d’agir. Il a permis à un nombre important de personnes de faire irruption dans le débat démocratique, sans intermédiation. « Une des forces du numérique peut être la diffusion du savoir et la repolitisation sur certains sujets, comme en attestent les mouvements sur le climat et le féminisme. Sur les réseaux sociaux, des personnes ont redistribué leur expertise au plus grand nombre ».
Démocratie et numérique sont aussi intimement liées à la question de la temporalité comme l’a souligné Mohammed Adnène Trojette, Haut Fonctionnaire et ingénieur, ancien conseiller Action publique et Numérique du Président de la République : « il existe une tension entre l'émotion et la raison. L'information circule plus rapidement que le savoir avec le numérique. Et sur le coup de l’émotion, la prise de décision collective peut être néfaste ».
Dans un contexte de crises multiples, le numérique peut être un outil de progrès, favorisant la participation au débat public. Pour Christophe Deloire, secrétaire général de Reporters sans frontières : « le numérique ouvre un espace public informationnel désintermédié. Tous les acteurs sont en concurrence directe ce qui favorise une forme de démocratie ». Mais dans le même temps, tout le monde n’est pas égal dans sa capacité d’expression, de prise de parole, et ce rapport de force ne contribue pas à créer un espace public démocratique. Comme l’a précisé Sarah Durieux « la désintermédiation occasionnée par le numérique permet l'émergence de nouvelles voies, mais elle favorise aussi la circulation de fausses informations. De ce point de vue, cela entraine un affaiblissement des conditions fondamentales de la démocratie ».
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