Passeurs d’humanité : un festival pour mieux vivre ensemble
La vallée de la Roya souffre depuis longtemps de sa situation enclavée. Le passage de la tempête Alex en 2020, qui a dévasté de nombreux villages, a d’autant plus fragilisé ce territoire déjà confronté à d’importants enjeux économiques, démographiques, migratoires et environnementaux.
Face à ces défis, les habitants de la Roya se mobilisent. Symbole de cette mobilisation citoyenne : le festival « Passeur.ses d’humanité » , lancé en 2018 par l’association « Les Ami.e.s de la Roya » , qui réunit les acteurs du territoire pour reconstruire la vallée et relever collectivement les défis climatiques, sociaux et territoriaux. Chaque été, l’événement rassemble, dans plusieurs villages de la vallée, habitants, artistes, associations, élus, pour favoriser les rencontres et le dialogue. Il s’est tenu cette année du 15 au 19 juillet.
« Le festival crée du lien et célèbre toute la diversité et toute la richesse de la vallée. C’est important d’avoir un évènement qui fédère autour d’un intérêt commun, le territoire de la Roya », explique Sébastien Olharan, maire de Breil-sur-Roya. Pendant cinq jours, plus de 100 débats et spectacles de théâtre, danse, cirque, musique, ou encore de stand up ont été organisés pour créer du lien, réfléchir ensemble et célébrer la coopération.
« L’expression artistique permet de partager des expériences communes, de se rapprocher les uns des autres. C’est par ailleurs important d’aborder les débats de société en ne considérant jamais ceux qui ne pensent pas comme nous comme des ennemis, mais plutôt en essayant de réfléchir au pourquoi on pense différemment », assure Sylvie Vassalo, co-organisatrice du festival.
Les participants de l’édition 2025 témoignent.

Entrée de l’esplanade du festival Passeur.ses d’humanité, au bord du lac de Breil-sur-Roya.

« On est dans un monde en pleine évolution avec des enjeux importants : dérèglement climatique, frontières, migrations, justice sociale, crise de la démocratie... Alors pour ne pas perdre espoir, il faut admettre qu’on a une seule planète, qu’on est tous interdépendants et qu’il faut trouver les solutions ensemble. »

« Notre objectif avec le festival, c’est de réfléchir à la manière dont on pourrait vivre dans une société plus douce, plus juste, plus humaine. Et d’y réfléchir au travers de débats, de concerts, et beaucoup d’autres formes artistiques… Éprouver une autre façon de vivre ensemble. »

« Ce qui m’anime, c’est la nature, l’art et l’humain. Lors du festival, j’anime un atelier qui s’appelle A-corps. L’idée, c’est de récolter des photographies de peau des gens en macro et de les réassembler sur une silhouette que j’ai dessinée sur un panneau en bois. Je veux montrer qu’on a besoin de la pluralité et de la diversité pour former un corps commun dans cette société. »

« Notre monde en est là où il en est car on n’a pas appris à coopérer. On étudie plein de choses à l’école mais on ne nous enseigne pas le faire ensemble. Il faudrait imaginer des cours de coopération, ça nous permettrait de ne plus avoir peur de l’autre. »

« Au sein de l’association Passerelle, on a appris à coopérer, à œuvrer ensemble en tant que thérapeutes. Alors qu’avant, on accompagnait individuellement les habitants de la vallée, aujourd’hui, on les accompagne en équipe, et tous ensemble, thérapeutes comme Valléens, on a découvert les trésors de la coopération, et qu’elle pouvait faire sortir les gens de la solitude ! »

Petit-déjeuner débat au café des Alpins sur les terroirs, des lieux d’innovation et de coopération où naissent les pratiques de demain.

« Cette vallée attire beaucoup de gens, de partout, et c’est ça la richesse ! C’est ça qui est passionnant : l’accueil, toutes ces énergies qui se complètent, qui s’enrichissent. »

« Lorsque la tempête Alex a frappé la vallée de la Roya, la seule solution pour surmonter cette épreuve, c’était de travailler collectivement et de mobiliser l’ensemble des acteurs du territoire. Coopérer, c’est la clé. C’est la condition même pour qu’on puisse vivre ensemble au sein d’une collectivité, d’une communauté humaine ou une nation. »

Un bar à jeux coopératif organisé par l’association Graine de vie. Il offre la possibilité d’essayer plus d’une dizaine de jeux et défis qui font appel à la coopération pour les réussir.

« On essaie d’associer le plus de structures et de personnes possibles dans un projet parce qu’on s’est aperçu, notamment lors du passage de la tempête Alex, que la coopération était vraiment un levier puissant pour faire les choses. Mais ce n’est pas facile, il y a un vrai travail à faire sur soi car on a tous été formé dans une société basée sur la compétition et la concurrence. »

« La coopération, c’est le cœur de Remontons la Roya. L’idée, c’est d’accompagner des porteurs et porteuses de projets et de faire émerger des projets à impact dans la vallée pour participer à un territoire qui soit plus résilient, respectueux à la fois de l’environnement et des êtres humains qui y habitent. »

Lors du concert de Kimia, artiste toulousaine d’origine congolaise, et Julien Decoret, aka Noko, issu de la scène Rock Punk.

« Erri De Luca parle de ce que nous vivons en ce moment comme d’un basculement vers des choses très graves. Il dit qu’après viendra le temps de la réparation, et que peut-être, les êtres humains apprendront alors à coopérer pour pouvoir réparer. Je pense également que si nous pouvons éviter ce basculement, ce sera par la coopération. »

« Je crois à la théorie du colibri : c’est à partir de ma transformation que j’aide la société à se transformer. Et cette transformation commence par une sensibilisation et continue à travers nos gestes, nos comportements, et surtout nos peurs. On doit tous faire un travail personnel pour ne plus avoir peur de l’autre. »
POUR ALLER PLUS LOIN
→ Fondation de France Méditerranée
→ Agir à la bonne échelle, au cœur des territoires