Coopérer : comprendre les obstacles pour agir
Le 2 juillet dernier, la Fonda, la Fondation de France et le Réseau national des maisons des associations (RNMA) ont organisé à Villeurbanne des rencontres entre pairs sur le sujet des coopérations territoriales. L’objectif : partager leur expérience et les défis qu’ils rencontrent afin de mieux agir ensemble sur les territoires.
Quels sont les freins rencontrés dans le cadre de coopérations territoriales ? Comment les dépasser ? Ce sont les questions auxquelles les acteurs réunis le 2 juillet dernier à La Rayonne - CCO de Villeurbanne par la Fonda, la Fondation de France et le Réseau national des maisons des associations (RNMA) ont souhaité réfléchir ensemble. Parmi les 130 participants, des salariés et bénévoles d’associations, de fondations et d’organisations de l’ESS.
Tout au long de la journée, les participants ont pu confronter leurs points de vue sur les approches systémiques et les formes de coopération, en partant de leurs connaissances issues du terrain.
A l’occasion d’une table-ronde animée par Cécile Malo, responsable de la Grande cause Territoires à la Fondation de France, Charles Claudo, délégué du conseil d’administration de l’association Remontons la Roya, et Emanuela Dalmasso, chargée de mission, ont par exemple présenté les stratégies de coopération mises en œuvre dans la vallée de la Roya après le passage de la tempête Alex en 2020. Soutenue par la Fondation de France, l’association mobilise habitants, associations et institutions locales pour reconstruire le territoire et relever collectivement les défis climatiques, sociaux et territoriaux.
Des salariés et bénévoles d’associations, de fondations et d’organisations de l’ESS réunis à Villeurbanne dans le cadre de rencontres sur les coopérations territoriales.
Pour une philanthropie fondée sur la confiance
A l’occasion d’une autre table ronde sur le soutien et le financement des coopérations, Bénédicte Fossard, directrice déléguée des programmes d’action de la Fondation de France, a assuré que « la bonne coopération, c’est celle qu’on ne vous impose pas mais c’est celle qui a du sens. Cette coopération apporte aux parties prenantes quelque chose qui n’existait pas avant et qui permet le changement, la transformation, l’amélioration au sens large. C’est pourquoi la Fondation de France a initié des collectifs d’actions où on réunit les premiers concernés, les associations acteurs de terrain, les fondations et les experts pour réfléchir ensemble aux besoins. C’est en croisant ces regards-là qu’on est au plus juste dans les réponses ».
Un point de vue partagé par Marc Alphandéry, auteur du rapport « Accompagner et financer les coopérations territoriales au service d’une transition juste » initié par le Labo de l’ESS. Selon lui, les appels à projet, souvent trop normés et exigeant des résultats rapides, ne sont pas adaptés aux coopérations territoriales : « La coopération territoriale implique des territoires différents, des thématiques différentes, des acteurs différents, etc. Cette diversité nécessite une vraie souplesse et une philanthropie de la confiance, respectueuse des temporalités longues ».
Yannick Blanc, président de la Fonda, a quant à lui souligné la crise actuelle de financements rencontrée par le secteur associatif : « Dans un contexte où de nombreuses associations risquent de mettre la clé sous la porte, l’enjeu va être de démontrer que les démarches de coopération permettent de faire mieux, d’être plus efficaces. Que ce ne sont pas des démarches qui coûtent mais qui rapportent ».
La coopération Le Teil & Villeurbanne illustre bien cette dynamique. Lancé en 2023 et soutenu par la Fondation de France Centre-Est, ce partenariat inédit entre la commune ardéchoise et la ville de la métropole lyonnaise a en effet fait émerger des projets concrets de solidarité et de cohésion.
Des ateliers pour identifier les freins et partager des solutions
La journée s’est poursuivie par des ateliers en petits groupes, où les participants ont pu explorer plus concrètement les obstacles à la coopération et partager leurs bonnes pratiques. Parmi les questions soulevées : comment faire coopérer des organisations aux finalités différentes ? Comment inscrire durablement une coopération dans un territoire ? Comment en évaluer les effets ? Comment vraiment engager les personnes concernées ? Ou encore, comment raconter, transmettre et valoriser les apprentissages d’une coopération ?
De nombreux enseignements ont été tirés de ces ateliers. Pour favoriser la coopération d’organisations aux finalités différentes, Quentin Peiffer, chef du projet EN ACT de la Fédération de l’Entraide Protestante (FEP), a notamment souligné l’importance de trouver des consensus locaux avec l’ensemble des parties prenantes, identifiés à l’occasion de rencontres individuelles. Des consensus discutés ensuite lors d’une conférence, avec pour objectif de déterminer les obstacles et surtout de faire en sorte que chaque acteur du projet s’engage à les lever collectivement.
Pour évaluer les effets des coopérations, Olivier Royer, délégué fédéral adjoint de la Fédération des centres sociaux de la Drôme, a insisté sur l’importance d’aller au-delà des résultats immédiats et d’adopter une évaluation stratégique, montrant ce que les projets transforment réellement dans la vie des gens et sur les territoires. Selon lui, cinq enjeux clés sont à prendre en compte : la cohésion sociale, l’épanouissement, la gouvernance, l’environnement et les richesses produites.
Richard Diot, directeur de l’association Point d’eau qui accompagne des personnes en situation de grande précarité, a quant à lui mis en avant la notion de considération des personnes accueillies pour renforcer leur pouvoir d’agir : « entendre leur coup de gueule », reconnaître les savoirs et compétences tirées de leurs expériences, mais aussi favoriser leur participation active au sein de l’association. Aujourd’hui, Point d’eau compte plus de 250 bénévoles (pour la plupart des personnes accueillies), parmi lesquelles six font partie du conseil d’administration. Deux personnes accueillies sont également devenues salariées de l’association.
Deux écueils ont également été identifiés suite à ces rencontres : la tentation de réduire la complexité en gommant les différences, et la tendance à se limiter à des solutions aux symptômes, au risque de freiner des changements plus profonds.