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La philanthropie africaine à l’heure des grands défis

Points de vue 25 Oct.2023

Ebrima Sall, directeur général de Trust Africa Ebrima Sall, directeur général de Trust Africa © D.R.

Alors que la 4ème Conférence sur la philanthropie africaine s’est tenue cet été au Sénégal, rencontre avec Ebrima Sall, directeur général de Trust Africa qui a coorganisé l’évènement et nous éclaire sur les enjeux et les ambitions de la philanthropie africaine.

La 4ème conférence sur la philanthropie africaine avait pour thème : « la philanthropie africaine à un point d’inflexion ». En quoi cette dernière est-elle à la croisée des chemins ?

La Conférence est devenue un rendez-vous important pour la communauté philanthropique africaine. Elle est coorganisée par six institutions et réseaux : le Centre africain d’études sur la philanthropie et les investissements sociaux (CAPSI) de l’Université de Witwatersrand à Johannesburg, le Forum africain de philanthropie, le Réseau africain de philanthropie, le Réseau Est-Africain de philanthropie, Southern Africa Trust, et TrustAfrica. Chaque édition est une occasion de réfléchir aux grandes questions du moment. Cette année, le choix du thème de “la philanthropie à un point d’inflexion” nous a semblé tout naturel. En effet, le monde est à un tournant important de son histoire. A quelques exceptions près, tout le monde s’accorde pour dire que les choses ne peuvent plus continuer comme avant. Depuis les Objectifs de développement durable (ODD) de 2015, le monde a changé : à l’urgence climatique se sont ajoutés les effets de la pandémie de la COVID-19 qui ont fait basculer des dizaines de millions de gens dans la pauvreté ; la guerre en Ukraine dont les répercussions se font clairement sentir partout, y compris sur le coût de la vie qui augmente et les difficultés d’accès aux marchés ukrainien et russe pour s’approvisionner en blé et intrants agricoles ; et l’aggravation des inégalités. La philanthropie est interpellée par la gravité de la situation dans laquelle le monde se trouve. Pour rester pertinente et utile, pour participer véritablement à la construction d’un monde meilleur, plus juste et plus durable, elle doit se remettre en question, revoir ses priorités, ses manières de fonctionner et ses relations avec les autres acteurs du changement, notamment les communautés, les mouvements sociaux et les organisations de la société civile.

Toutes ces questions se posent avec acuité en Afrique. Aux grands défis du monde contemporain s’en ajoutent d’autres, tels que le manque d’emplois et de perspectives qui force un nombre grandissant de jeunes à risquer leur vie pour aller en Europe, aux États-Unis, ou ailleurs, dans l’espoir de pouvoir y vivre dignement et trouver de quoi soutenir leur famille. La philanthropie africaine est donc appelée à être plus imaginative, plus engagée, et à oser davantage afin d’être véritablement transformatrice. 

Comment s'articulent philanthropie en faveur de l’Afrique et philanthropie africaine ? Y a-t-il un risque de dépendance aux fonds et aux stratégies venus de l’étranger ?

La philanthropie en faveur de l’Afrique a beaucoup fait, et continue de faire beaucoup pour le développement de la philanthropie africaine. Je vais citer trois exemples à partir de notre propre expérience à TrustAfrica :

  • TrustAfrica a bénéficié de l’appui des fondations des pays du nord, notamment la Fondation Ford, Hewlett Foundation, Bill and Melinda Gates, Open Society Foundations, Carnegie Corporation of New York, MacArthur Foundation, MasterCard Foundation, Humanity United, Wallace Global Fund, Wellspring, Luminate,Scooner ainsi que de la coopération bilatérale, notamment les Pays-Bas, et la Norvège, qui ont apporté un appui institutionnel ou appuyé des programmes et projets. Sans ces soutiens, son développement institutionnel et la mise en œuvre de ses programmes auraient été beaucoup plus lents.
  • Le travail participatif de réalisation d’une cartographie de l’écosystème philanthropique que TrustAfrica et WINGS ont mené en Afrique de l’Ouest a bénéficié de l’appui de la Fondation de France, la Fondation Conrad Hilton, La Fondation du Roi Baudoin, et le Ministère français des Affaires étrangères.
  • La Conférence sur la philanthropie africaine peut être organisée en partie grâce au soutien de la philanthropie en faveur de l’Afrique. Cette conférence nous permet de renforcer nos liens et de constituer une véritable communauté philanthropique, ainsi que de poursuivre le dialogue avec nos partenaires internationaux.

Cette solidarité internationale a été formidable. Les domaines couverts vont de l’agriculture à la justice et la gouvernance démocratique, en passant par la lutte contre les flux financiers illicites, l’enseignement supérieur, la jeunesse, la gestion des ressources naturelles, et le renforcement des capacités des journalistes, des fondations communautaires et des mouvements sociaux. Mise à part TrustAfrica, nous savons également combien l’appui de la philanthropie en faveur de l’Afrique a été précieux dans la lutte contre le VIH/SIDA, Ebola, la pandémie de la COVID-19 et le paludisme, mais également dans la recherche, l’éducation et l’enseignement supérieur, pour ne citer que quelques exemples.   

Cela étant dit, nous savons également que la philanthropie internationale, de manière générale, fonctionne selon ses propres priorités et selon des logiques qui peuvent créer des rapports de dépendance ou les renforcer. Le fait qu’elle soit si importante dans les budgets des organisations africaines rend celles-ci dépendantes des priorités des donateurs. Nous avons pu constater cela lors des grandes crises, qu’elles soient financières sanitaires, ou la Guerre en Ukraine. L'appui à des projets de courte durée, plutôt qu’un soutien institutionnel et dans la durée ne permet pas aux organisations et pays récipiendaires de planifier, encore moins de renforcer leur autonomie.

La philanthropie internationale doit donc évoluer. C'est tout l’enjeu des débats actuels sur la localisation, le transfert effectif des pouvoirs, voire la décolonisation celle-ci. 

A quels défis d’avenir la philanthropie africaine est-elle confrontée tant au niveau du continent africain qu’au niveau mondial ?

La philanthropie africaine est plurielle. Il y a non seulement la philanthropie traditionnelle, horizontale et communautaire (community-based), mais également la philanthropie institutionnelle, notamment les fondations dont le nombre augmente assez rapidement, la philanthropie d’entreprise, ‘venture philanthropy’, etc. On parle donc d’un phénomène complexe, constitué d’acteurs de divers types, de tailles très inégales, de statuts très différents, et dont les philosophies sont tout aussi différenciées. L'environnement socioculturel, économique, politique et juridique dans lequel évolue la philanthropie africaine est aussi très diversifié, présentant différents types de défis et opportunités. Il est donc difficile de généraliser. Mais globalement, je dirais que l’environnement n’est pas toujours favorable. Le cadre règlementaire est rigide. L’espace civique se rétrécit aussi bien en raison de mesures prises par des gouvernements que de la propagation en Afrique de phénomènes tels que l’extrémisme violent, voire, dans certains pays et sous-régions, le militarisme et les conflits armés.     

La philanthropie africaine est encore très fragmentée en tant qu’écosystème. Les institutions travaillent de manière isolée, là où elles devraient coopérer entre elles, les plus fortes soutenant les moins bien loties tant financièrement qu’en termes de ressources humaines. La philanthropie africaine doit évoluer pour devenir une véritable communauté et adopter des stratégies qui lui permettent d’être plus forte face aux défis, et de saisir les opportunités qui se présentent à tous les niveaux. La question des ressources est parmi les plus critiques. La plupart des institutions philanthropiques travaillent avec de très faibles moyens budgétaires et dépendent du soutien de la philanthropie internationale. Il y a également les rapports que la philanthropie africaine entretient avec les milieux décisionnels. Ceux-ci ne semblent s’intéresser qu’aux plus grandes fondations. Les fondations communautaires et les institutions dites ‘intermédiaires’ ne savent pas valoriser leur contribution à la résilience des communautés, leur réponse aux catastrophes tels que les incendies et les inondations et leur participation au développement local. Il n’y a pas de dialogue constructif avec le secteur privé et les gouvernements.

Quels sont les principaux atouts et les principaux freins au développement de la philanthropie africaine ?

Les défis que j’ai évoqués ci-dessus donnent une idée de ce que sont les freins au développement de la philanthropie africaine. J'ajouterais qu’elle est également contrainte par les logiques de pouvoir qui découlent de l’asymétrie des rapports internationaux.

Pourtant, les opportunités sont nombreuses. Il y a beaucoup à faire, à tous les niveaux. Au niveau continental, la construction d’une zone de libre-échange (la ZLECAF) que l’Union Africaine a lancée présente d’énormes opportunités pour la philanthropie. Le développement des technologies nouvelles a créé des possibilités presqu’illimitées dans la manière de travailler, mener des campagnes, lever des fonds, faire du plaidoyer, etc. La montée d’une classe moyenne africaine et l’augmentation du nombre des gens qui disposent de revenus très importants, le dynamisme et la créativité de la jeunesse, et le fait que l’Afrique dispose encore de réserves très importantes en termes de ressources naturelles qui représentent un atout pour transformer nos économies, constituent autant d’opportunités dont la philanthropie africaine pourrait se saisir.     

Comment agissez-vous au sein de Trust Africa et quels sont vos alliés pour faire évoluer l’action philanthropique ?

TrustAfrica part du principe que les Africains doivent être en première ligne dans la recherche des solutions aux problèmes de l’Afrique. Nous sommes inspirés par la vision de l’Union Africaine d’une Afrique prospère, unie, souveraine, et démocratique où règne la paix ; une Afrique qui joue un rôle important dans la gouvernance mondiale et dont les citoyens (y compris ceux qui vivent dans d’autres régions du monde) vivent dans la dignité. C’est pourquoi TrustAfrica accorde une grande importance au renforcement de la capacité des Africains à bien appréhender les problèmes de développement aux niveaux local et continental, diriger la transformation de nos économies et maîtriser nos rapports au reste du monde. Selon la philosophie de l’Ubuntu (“je suis parce que nous sommes”), cette vision ne peut se réaliser que dans la solidarité, l’inclusivité, le respect mutuel, la justice et l’équité, aussi bien entre nous, au sein du continent, qu’au niveau international. Ceci revient à dire que l’Afrique a besoin de tous ses amis, comme le reste du monde a besoin de l’Afrique. Pour ce qui est de l’action philanthropique plus précisément, nos alliés sont nombreux : tout l’écosystème de la philanthropie (du monde académique aux institutions, nos partenaires tels que La Coalition pour le dialogue sur l’Afrique (CoDA), les institutions régionales et sous-régionales telles que l’Union Africaine et la Communauté économique des Nations Unies pour l’Afrique, les gouvernements africains, notamment celui du Sénégal où nous avons notre siège, African Philanthropie Network, African Philanthropie Forum, CAPSI, Urgent Action Fund-Africa, FEMNET, Tax Justice Network-Africa, AFRODAD, Pan-African Lawyers Union, CODESRIA, La Fondation Mo Ibrahim, WINGS, Philea, PhiLab, Africa-Europe Foundation, AGAG, EDGE Funders, et les fondations et gouvernements qui nous permettent de fonctionner et mettre en œuvre nos plans stratégiques et mener à bien nos projets ; La Fondation de France en fait partie.  

          

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