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L'État futur est déjà là

L'État futur est déjà là

Points de vue 09 Mar.2016

par Yannick Blanc, président de la Fonda

L'Etat, tel qu'il a construit la nation et façonné la société française depuis le XVIIème siècle, a pour l'essentiel déjà disparu. Voilà l'hypothèse du nouvel ouvrage de Yannick Blanc, préfet du Val d’Oise et Président de la Fonda. Loin de se livrer à une énième dénonciation de la "crise de l'Etat", Yannick Blanc essaie de montrer que l'Etat futur est déjà présent sous nos yeux. Et de souligner l'importance du fait associatif qui prend de plus en plus la forme de communautés d'action.

Dans ce livre, vous partez de l’hypothèse que l’Etat dans sa définition traditionnelle a pour l’essentiel disparu. Pouvez-vous préciser cette analyse ?

Ce qui se défait sous nos yeux, c’est le cœur de l'Etat monarchique, impérial et républicain, que nous appelons tout à la fois "jacobin", "colbertiste", "Etat-providence". Cet Etat se caractérisait par sa double capacité à exercer une tutelle sur la société et à être la clé de voûte de l'ordre symbolique. Par tutelle, j'entends non seulement la maîtrise de l'ordre juridique, incarné par le Code civil, mais aussi la maîtrise du savoir, des techniques, du territoire et de l'économie. Quant à l'ordre symbolique, il se traduit aussi bien par l'invocation des valeurs de la République dans le régime présidentiel que par le rôle quasi-ecclésial attribué à l'Ecole républicaine. Il n'y a pas d'autre Etat démocratique où les capacités tutélaires et symboliques aient été ordonnées dans une construction aussi cohérente.

Quels seraient, selon vous, les contours et les prérogatives de l'Etat dans le futur ?

L'attitude prospective dont je me réclame ne consiste pas à prévoir ou prédire le futur mais à rechercher dans le présent les matériaux avec lesquels nous pouvons construire l'avenir. L'Etat sera ce que nous déciderons d'en faire autour de ses trois capacités essentielles : capacités de régulation, d'investissement et d'intégration. Si nous voulons mettre fin à la prolifération normative et à son corollaire, l'insécurité juridique qui sclérose notre pouvoir d'agir, nous avons besoin d'une véritable politique de régulation qui place l'égalité, l'équité et la justice au centre de l'architecture symbolique de l'Etat. Nous avons besoin d'un Etat investisseur, d’abord pour protéger et développer les biens communs de l'environnement et de la connaissance. Mais aussi parce que, comme le montre la crise économique que traverse l'Europe, l'investissement privé ne repartira pas sans investissement public, quel que soit le volume de liquidités disponibles et malgré la faiblesse des taux d'intérêt. Quant à la notion d'Etat intégrateur, elle doit à mon avis se substituer à celle d'Etat stratège : l'Etat n'est pas le grand stratège auquel se subordonnent les petites stratégies, il est l'instance qui permet à chaque acteur, individuel ou collectif, de développer sa stratégie dans un environnement sûr et lisible. 

Quelle place pour la société civile, le modèle associatif et la philanthropie privée dans ce nouveau contexte ?

C'est parce que la société civile n'est plus sous la tutelle de l'Etat que le fait associatif et la philanthropie prennent une importance nouvelle. L'Etat n'administre plus l'action collective. Non seulement il ne sait plus agir sans partenariat, mais il commence à importer le modèle associatif et collaboratif au sein de ses propres structures. 

Mais attention, pendant ce temps-là, l'entreprise comme institution est elle-même en mutation : le modèle hiérarchique s'affaiblit, l'unité de production s'efface au profit de l'écosystème et de la chaîne de valeur, la frontière entre le métier et les externalités se brouille. L'émergence de la venture philanthropy, de l'entrepreneuriat social et de l'investissement à impact social participent de cette mutation. La société civile voit se multiplier simultanément les tensions identitaires et les initiatives altruistes, elle a besoin de régulation et d'intégration.

Vous dites que « l'action associative prend de plus en plus la forme de communautés d’action ». Pouvez-vous préciser ce que vous entendez par là ? 

J'ai voulu réintroduire la dimension communautaire dans l'analyse de l'action collective mais, en français, le concept de communauté est pollué par la grande peur du communautarisme. Je me suis rendu compte que si les communautés d'appartenance locales, sociales ou professionnelles étaient en voie de disparition, nous n'avions pas cessé pour autant de nous constituer en communautés pour agir : voyez le phénomène des communautés numériques et des réseaux sociaux. Le propre de la communauté d'action est de réunir des individus aux appartenances et aux identités diverses, qui peuvent appartenir simultanément à plusieurs communautés. Du coup, les règles qui régissent ces communautés sont très différentes de celles des communautés exclusives de jadis. C'est une mutation très profonde de notre façon de faire société.

Dans ce contexte de profonde mutation, êtes-vous optimiste sur la capacité des différents acteurs à œuvrer ensemble pour le progrès social ?

Dans notre exercice de prospective Faire ensemble 2020, nous avons montré, à la Fonda, qu’au sein de la société, les tendances de la fragmentation et celles de la fluidité et de l'empathie étaient simultanément à l'œuvre. La fragmentation se traduit par exemple par le creusement des inégalités, l’affirmation des identités communautaires, la construction de murs sur les frontières ; la fluidité par la mobilité géographique, la circulation de l’information et de la connaissance, les réseaux ; l’empathie par les manifestations de solidarité planétaire lors des attentats. Nous sommes plongés dans des crises d'une grande intensité et notre devoir de citoyens, ce n'est pas de rester des spectateurs optimistes ou pessimistes, mais d'identifier les leviers qui nous permettent de nous orienter vers un futur souhaitable. L'idée de progrès n'est pas morte, mais elle a pris un nouveau visage encore énigmatique. 

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