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Innovation dans l'éducation : quel rôle peut jouer la philanthropie ?

27 septembre 2017

François Taddei, biologiste, directeur du Centre de recherches interdisciplinaires (CRI)Il y a bientôt quinze ans, je recevais le Prix Inserm de la recherche fondamentale, puis le prix Liliane Bettencourt pour les sciences du vivant. Ces distinctions m’ont offert la reconnaissance nécessaire pour faciliter les explorations interdisciplinaires d’étudiants et de chercheurs qui voulaient sortir des sentiers battus. La conjonction de la période sombre dans laquelle nous étions entrés après le 11 septembre 2001 et, dans un registre plus personnel et nettement plus joyeux, de ma paternité, m’ont décidé à réinventer les manières d’apprendre, d’enseigner et de faire de la recherche. Dans un monde qui change toujours plus vite, mes travaux sur l’évolution m’avaient convaincu que nous avions besoin de faire évoluer nos approches et nos méthodes.

Avec Ariel Lindner, chercheur à l’Inserm, ainsi qu’une poignée d’étudiants et de chercheurs, nous avons donc créé dans la salle café de notre labo, l’embryon de ce qui deviendra le Centre de recherches interdisciplinaires (CRI) pour innover sur ces sujets. À l’automne 2018, le CRI emménagera sur 7 000 m2 dans le quartier du Marais, dans des locaux de la Mairie de Paris rénovés grâce au financement de la Fondation Bettencourt Schueller. Cette dernière a aidé le CRI depuis l’origine à professionnaliser ses initiatives, en s’inspirant de ce que les grandes fondations internationales, comme le Howard Hughes Medical Institute, ont fait en contribuant au financement d’innovations pédagogiques.

Venant de la recherche biomédicale, j’ai pu constater qu’en matière d’éducation, les budgets de recherche et développement (R&D) étaient au moins 30 fois inférieurs à ceux de la santé…  Ainsi, les chercheurs en médecine, qui se distinguent par leur capacité à innover, sont financés par l’État, mais aussi par la philanthropie et les dons des particuliers, distribués via des associations qui incitent pouvoirs publics et chercheurs à se concentrer sur telle ou telle pathologie. De la même manière, des parents sont capables de mobiliser l’innovation autour de la maladie qui touche leur enfant, y compris sur des domaines qui parfois sont à la croisée de l’éducation et de la santé, comme les pathologies de l’apprentissage liées à l’autisme ou à la dyslexie. Néanmoins, il est beaucoup plus rare que des parents se mobilisent pour faire évoluer l’éducation en elle-même.

Dans un monde qui change, si on n’innove pas et si on n’investit pas dans la formation des enseignants, on risque de devenir très vite obsolète. Les pays anglo-saxons, nordiques et asiatiques ont placé la recherche au cœur de l’évolution du système éducatif. Ils mettent les enseignants en confiance, en leur offrant une formation de qualité par le biais notamment de la recherche, en multipliant les possibilités de coopérer entre eux, et en leur accordant de l’autonomie.

Le numérique permet aujourd’hui d’acquérir plus vite des connaissances, de les transmettre à des échelles sans précédent, et de mobiliser l’intelligence collective. Dès lors, comment faire évoluer un monde de la formation hérité des siècles précédents ? Comment lui faire vivre la transformation nécessaire pour qu’il permette à chacun d’entre nous de s’adapter à l’arrivée de l’intelligence artificielle, de la robotique, et au fait que nombre d’emplois actuels auront disparu demain ?

Parmi les 500 fonds et fondations engagés pour l’éducation, soit le quart du secteur philanthropique français, on estime que 40 %1 le sont dans la recherche ou l’innovation pédagogique. Des chiffres encourageants mais encore insuffisamment visibles. La philanthropie pourrait favoriser la recherche, la documentation, l’évaluation et l’essaimage qui font souvent défaut aux innovateurs français. À ma connaissance, aucun des Prix de l’innovation pédagogique décernés depuis sept ans par l’Éducation nationale n’a été suivi de travaux de recherche, d’une aide financière pour permettre sa diffusion ou d’un partage via des Mooc2

Le concept de société apprenante repose sur l’objectif que chacun puisse, en apprenant, laisser des traces et transmettre. Aujourd’hui, les canaux d’apprentissage sont multiples, et ne reposent plus nécessairement sur un schéma hiérarchique, vertical. Il faut en tirer parti pour que l’intelligence collective soit davantage partagée. Il s’agit aussi, dans ce nouveau contexte, de développer des compétences plus transversales (en plus de lire, écrire, mémoriser) : il faut travailler sur le sens et l’empathie, des compétences que le système éducatif ne développe pas alors que l’esprit critique est plus que jamais utile.

En préparant le rapport sur la société apprenante remis au gouvernement précédent, j’ai rencontré de nombreux interlocuteurs dont certains figurent dans la nouvelle équipe qui dirige le pays. Demain, j’espère pouvoir mettre en œuvre les propositions du rapport, jusqu’à imaginer – pourquoi pas – un service public de la société apprenante. Un autre défi serait de créer l’équivalent du Giec3 pour la R&D de l’apprendre. Une institution multipartenaire où pourrait figurer en bonne place les fondations et l’ensemble des acteurs de la société civile.


1. Voir l’étude réalisée sur la question par le Centre français des fonds et fondations en 2015
2. Massive Open Online Courses, soit « formation en ligne ouverte à tous »
3. Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat

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