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Entretien avec Michaël Jérémiasz : « La philanthropie, c’est notre ADN commun »

Points de vue 24 Avr.2023

Michael JeremiaszMichael Jeremiasz © D.R.Michaël Jérémiasz a été joueur de tennis professionnel, champion paralympique en double lors des Jeux de Pékin en 2008. Il a créé l’association Comme les autres, pour aider les personnes handicapées à la suite d’un accident à se reconstruire. Échange sur sa vision de la philanthropie et de l’engagement.


Que vous évoque ce terme de « philanthropie » ?

La philanthropie est une opportunité et une nécessité dans le monde dans lequel on vit. Nous avons tous en nous cette petite part d’humanité qui fait que l’on s’intéresse à l’autre. Rien n’épanouit plus que ces actions-là, et à l’échelle d’une vie, il n’y a que ça qui vaut la peine, le reste n’a pas vraiment de valeur. La philanthropie, c’est notre ADN commun.

En tant qu’ancien sportif de haut niveau, pourquoi avez-vous choisi de vous engager pour l’intérêt général ?

Cet engagement s’est construit au fil du temps, il est le fruit d’un parcours et d’une éducation. Et aussi d’une prise de conscience : assez jeune, je me suis rendu compte que j’étais privilégié, car malgré les errances, les colères, les souffrances, je n’ai jamais manqué de rien, à commencer par l’amour. Je n’ai jamais connu non plus d’angoisse liée à la précarité, aux accidents de la vie.

J’ai reçu une éducation engagée, politisée de mes parents. Depuis tout petit, je suis intolérant à l’injustice, mais mon accident, en m’exposant à la vulnérabilité, à la fragilité, a renforcé ce sentiment. J’ai passé des fins de soirée entières à défendre des femmes ou des hommes qui se faisaient malmenés en sortie de boîte de nuit... Mes combats contre l’injustice, contre l’intolérance, je les partage avec mes frères.

Pour vous qui êtes engagé au service de l’intérêt général, quelle place la philanthropie peut-elle occuper dans la société ?

La philanthropie peut jouer un rôle partout où elle le souhaite. Il y a des sujets prioritaires, mais aussi un projet de société à construire : dans quel monde a-t-on envie de vivre ? Nombre de philanthropes accompagnent des structures, des individus qui veulent œuvrer pour une société meilleure. L’État providence ne fonctionne pas sans l’engagement associatif qui propose beaucoup de solutions. Ce n’est pas un luxe d’avoir des personnes qui consacrent du temps, de l’énergie, des ressources aux autres.

Comment voyez-vous l’articulation entre la sphère publique et la sphère privée ?

Les deux sont parfaitement complémentaires ! L’État, en accordant une déduction fiscale aux donateurs, soutient l’action associative et philanthropique. Il prend le plus possible sa part, et les individus, l’associatif, la philanthropie viennent en renfort. Quand avec mon frère et ma femme nous avons créé notre association, Comme les autres, nous avons réfléchi à ce qui manquait. Sur la question du handicap, l’État a solutionné une partie du problème. Nous pouvons aujourd’hui survivre en tant que personne handicapée dans la société, mais ce que nous souhaitons, c’est de pouvoir jouir de tout ce que la société a à offrir. Nous avons décidé de favoriser l’épanouissement des personnes devenues récemment handicapées en leur proposant un accompagnement social reposant en partie sur le sport et les sensations fortes. L’État ne peut pas tout, mais il doit faire plus en s’appuyant sur des gens qui s’engagent, en soutenant les associations.

Vous êtes membres des comités exécutifs des fondations Lacoste et Mobivia. Pourquoi vous être engagé dans ces fondations ?

Ces deux fondations ont un objet social pour lequel j’ai eu envie de m’engager : l’insertion sociale et professionnelle notamment par le sport, et la mobilité. J’apporte mon expertise et mon regard sur la sélection des projets, qui doit être à la fois juste et rigoureuse. L’objectif du comité exécutif est de s’assurer que l’on aide les projets les plus utiles socialement. C’est un exercice riche que de se confronter à d’autres personnes tout aussi légitimes que moi sur ces sujets.

Comment susciter toujours plus l’engagement ?

En expliquant ce que ça procure : rien ne me rend plus heureux ! Avec mon association, je change la vie de gens qui pensaient ne plus jamais pouvoir être heureux. Quand on dit « Tu fais ta B.A. », c’est péjoratif. Alors que rien n’est plus épanouissant que faire du bien, il y a peu de sentiment comparable. La plus grande source de bonheur et de plénitude, c’est de donner ne serait-ce qu’une minute par jour à l’autre, et il y a des milliers façons de le faire, de manière informelle ou très organisée, en aidant quelqu’un dans la rue ou en s’engageant dans une structure associative. Tous les chemins sont valables, et il n’y a pas de hiérarchie.

L’engagement est indispensable pour prendre du recul sur le quotidien, sur ce que la société nous impose en termes de rythme, de performance. Cela permet de se concentrer sur l’essentiel. C’est ça qu’il faut transmettre dès le plus jeune âge, pour faire des citoyens plus épanouis.

De manière assez générale, quel rôle peut jouer le sport dans la société ?

Le sport est un outil politique puissant dont on n’a pas ou dont on ne souhaite pas mesurer la portée. Il permet la rencontre, et aujourd’hui plus que jamais, on a besoin de se retrouver autour d’un projet d’avenir commun. Le sport est un de ces rares outils qui nous permet d’apprendre à jouer selon les mêmes règles, avec nos capacités et nos incapacités, en collectif. En réalisant l’an dernier le documentaire We are people, j’ai vu comme la pratique d’une activité physique – et je ne parle pas là du sport de haut niveau – pouvait changer des vies, donner confiance en soi. C’est une source d’épanouissement, de bien-être, et c’est aussi un enjeu de santé publique. C’est le meilleur des médicaments, il n’y a aucune drogue plus puissante que l’endorphine, et elle n’a aucun effet secondaire, si ce n’est celui de donner l’envie de recommencer !

Quels sont pour vous les axes prioritaires à développer dans le domaine du sport ?

Il faut penser la question du sport à tous les étages, à tous les niveaux. Le sport santé par exemple devrait être plus répandu : je ne suis plus athlète de haut niveau, je fais de l’activité physique dans une optique de santé, pour vivre bien et être autonome le plus longtemps possible. Cette pratique devrait être diffusée partout, dans les Ehpad par exemple, en imaginant des activités adaptées aux besoins de chacun.

Le sport en entreprise aussi mériterait d’être développé, un peu à l’image de ce qui se fait aux États-Unis, où l’on donne des moyens de pratiquer aux collaborateurs. En gagnant en bien-être, on gagne aussi en efficacité, en qualité du travail.

Enfin, le sport à l’école devrait être réinventé, en repensant la manière de le pratiquer et de le valoriser. Développer par exemple le para-sport pour tous les enfants, pour changer la perception qu’ils peuvent avoir de l’autre. Leur faire comprendre ainsi qu’avec un environnement et des outils adaptés, tout est possible. Au-delà de la pratique sportive, les apprentissages pourraient se faire de manière dynamique, et non assis sur une chaise huit heures par jour ! L’opposition entre sport et intellect demeure vivace. Sans vouloir enjoliver, le sport est un lieu dans lequel le racisme, les discriminations n’ont pas leur place : on est jugé pour notre capacité à se réaliser. J’ai foi en ce que le sport peut apporter à une société dans son ensemble.

Comment permettre le changement de regard sur l’autre, banaliser la différence ?

On ne naît pas raciste, homophobe ou discriminant. La confrontation à la diversité depuis le plus jeune âge est essentielle. Le combat se porte sur une génération, et la clef réside dans l’éducation, pour apprendre – ou réapprendre – à vivre ensemble. Nous sommes tous différents, mais il y a un pacte commun : on respire le même air, on affronte les mêmes challenges, à commencer par le changement climatique qui concernera tout le monde. On peut bien sûr militer au quotidien, mais pour ne plus avoir à convaincre les plus vieux, il faut commencer dès le plus jeune âge !

Pour mon fils, avoir un papa en fauteuil roulant, ce n’est pas un sujet, et le handicap ne sera jamais un sujet pour lui. Je sais qu’il aura le réflexe d’intervenir si une personne handicapée se trouvait en difficulté. Il a parfaitement intégré que toute personne, quelle qu’elle soit, a droit au respect, au bonheur, à la tranquillité.

L’éducation doit être la priorité absolue. Et le sport est un outil formidable pour une meilleure éducation de la jeunesse.

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