Solidarité Arménie : 2 ans d’actions
Deux ans après l’offensive militaire lancée par l’Azerbaïdjan contre l’enclave du Haut-Karabakh qui a provoqué l’exode massif d’environ 100 000 personnes vers l’Arménie, la Fondation de France poursuit son soutien aux populations déplacées, particulièrement vulnérables. Plus de 580 000 euros ont été consacrés au soutien d’une dizaine d’initiatives associatives locales.
Du 23 au 30 mai dernier, Sophie Lasserre, responsable du programme Arménie de la Fondation de France, et Christine Robichon, ancienne diplomate et membre du comité Solidarité Arménie, se sont rendues sur place afin de rencontrer les partenaires associatifs et d’évaluer l’évolution de la situation des personnes déplacées.
Contribuer à l’autosuffisance alimentaire
Pour renforcer l’autonomie alimentaire des populations, l’association SHEN a lancé dans le village frontalier de Zorakan, dans la région du Tavush, au Nord-Est de l’Arménie, un programme agricole destiné aux personnes déplacées et aux habitants locaux. L’objectif : donner aux familles des moyens de subsistance, renforcer l’attractivité du territoire et favoriser la cohésion avec les agriculteurs installés de longue date. Grâce au soutien de la Fondation de France, le réseau d’irrigation a été restauré et étendu, multipliant par 3,5 les surfaces cultivables. De nouvelles terres ont pu être mises en culture et les agriculteurs sont accompagnés dans la diversification de leurs productions par des experts agronomes arméniens et étrangers.
L'association SHEN a restauré et étendu le réseau d’irrigation multipliant par 3,5 les surfaces cultivables
Dans le Syunik, région montagneuse frontalière de l’Azerbaïdjan où un tiers de la population vit de l’agriculture, le Fonds Arménien de France déploie dans 114 villages un projet de développement agricole afin de répondre aux besoins alimentaires, avec l’aide d’agronomes locaux. L’enjeu est d’améliorer les conditions de vie et d’offrir aux personnes déplacées installées sur place la possibilité de s’ancrer durablement dans la région, en harmonie avec les agriculteurs de la région. Des intrants, des arbres fruitiers et des serres ont été distribués, et des formations à la diversification et à la gestion des risques agricoles ont été organisées.
Le Fonds Arménien de France déploie dans 114 villages un projet de développement agricole.
Favoriser l’insertion socio-professionnelle
À Erevan, capitale de l’Arménie, mais aussi à Gumri (deuxième ville du pays, située au Nord-Ouest) et à Goris (ville du Sud, dans la région du Syunik), l’association Solidarité Protestante France Arménie accompagne les personnes déplacées et victimes de guerre à travers le programme « Femmes en marche ». Soixante femmes suivent des formations en pâtisserie, restauration, hôtellerie, couture ou comptabilité, complétées par des modules d’orientation professionnelle et de développement des compétences interpersonnelles. Une première promotion a obtenu son diplôme en comptabilité, profession particulièrement recherchée dans le pays.
Dans les villes d’Erevan et de Goris, Impact Hub, réseau international d’incubateurs et d’espaces de coworking, mène un projet visant à favoriser l’intégration socio-économique des populations vulnérables. L’objectif est de leur permettre de créer leur propre activité ou de renforcer leurs compétences professionnelles afin d’améliorer leur autonomie financière. Le programme propose un accompagnement personnalisé sur trois mois : formation à la gestion d’entreprise, développement des projets entrepreneuriaux (confection de fruits séchés, couture, accueil d’enfants, services numériques…), suivi individuel et mise à disposition d’un espace de coworking. Les participants bénéficient également d’un soutien psychosocial avec des groupes de parole et des séances de yoga thérapeutique. À Erevan, une épicerie sociale complète le dispositif, permettant aux entrepreneurs de tester la commercialisation de leurs produits. L’initiative a déjà permis à plusieurs femmes de lancer leur activité professionnelle et de générer des revenus stables, contribuant à leur insertion durable dans la société arménienne.
De son côté, le Centre culturel francophone de Goris, joue un rôle essentiel dans l’insertion professionnelle et économique des personnes déplacées. Pour répondre aux besoins des producteurs ruraux, l’association commercialise des paniers de produits locaux provenant de neuf villages environnants, via des hôtels, agences et boutiques partenaires. Cette initiative permet aux agriculteurs de compléter leurs revenus et de rester dans leurs villages frontaliers, contribuant ainsi à la vitalité économique de la région. Parallèlement, le centre anime un atelier de couture pour former des femmes déplacées, qui peuvent ensuite créer leur propre activité artisanale ou intégrer le marché local. L’association développe également un réseau d’entraide et de soutien moral entre participantes.
Renforcer la protection civile
Pour anticiper les risques liés à la proximité des zones frontalières, l’association Armenia Peace Initiative développe depuis 2024 un programme de formation aux premiers secours destiné aux habitants des villages frontaliers, dans la région du Tavush. Animées le week-end par des professionnels arméniens, ces sessions de deux jours enseignent les gestes essentiels en cas de blessures graves ou d’accidents, selon un protocole militaire adapté. Chaque volontaire repart avec un kit de premiers secours, tandis qu’un kit plus conséquent est remis aux municipalités ou dispensaires. Vingt formations ont déjà été dispensées dans quinze villages, couvrant une grande partie du territoire proche de la frontière. La majorité des volontaires formés sont des femmes. L’association prévoit d’étendre ce dispositif à d’autres zones frontalières du pays.
L’association Armenia Peace Initiative propose un programme de formation aux premiers secours.
Soutenir des microprojets de proximité
Avec l’appui de la Fondation de France, La Guilde, association de solidarité internationale qui soutient des initiatives locales à impact social, a lancé un appel à microprojets pour répondre aux besoins immédiats des populations déplacées. Quatre projets ont ainsi été soutenus.
La Fondation Aren Mehrabyan a mis en place dans le Tavush un système d’hydroponie permettant de produire du fourrage pour le bétail dans des containers spécialement conçus. Chaque module génère environ 100 kilos d’herbe par jour, sans produits chimiques et avec une consommation minimale d’eau. Cinq containers permettent de nourrir 80 vaches ainsi que des cochons et des volailles, garantissant aux éleveurs une ressource stable malgré l’impossibilité de faire paître leurs troupeaux en zone frontalière en raison des risques d’attaques et de vols liés à la proximité de l’Azerbaïdjan.
À Erevan, l’association House of Hope apporte un soutien aux familles réfugiées à travers la distribution régulière de colis de nourriture, de produits d’hygiène et de vêtements, mais aussi un accompagnement psychologique et administratif. Elle propose également des formations culinaires à une dizaine de femmes, encadrées par une cheffe arménienne qui mobilise son réseau pour faciliter leur insertion professionnelle.
La Fondation Goy organise des ateliers de poterie thérapeutique pour une trentaine d’enfants chaque samedi, en présence d’une psychologue. Plus de 180 enfants y ont déjà participé. Les mères bénéficient également d’un espace de partage et de soutien mutuel. La fondation accompagne également des artistes qui créent des poteries artisanales vendues sur les marchés ou en ligne.
La Fondation Goy organise des ateliers de poterie thérapeutique.
Enfin, l’association Armenian Progressive Youth, implantée à Erevan, accueille des jeunes de 15 à 25 ans dans un espace dédié où sont proposés activités gratuites, bourses d’études et stages. Des distributions de vêtements et de bons d’achat sont organisées et une trentaine de femmes suivent des formations en langues, numérique et comptabilité pour favoriser leur retour à l’emploi ou la création de leur propre entreprise.