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Primavera : un dispositif de soin pour personnes exilées

26 novembre 2025

À Bordeaux, l’association Ethnotopies déploie le projet Primavera pour soutenir des femmes victimes de traumatismes, des mères avec leurs bébés et des mineurs non accompagnés. Pensé comme un dispositif global, il associe consultations transculturelles, ateliers d’expression et activités collectives pour favoriser la reconstruction de personnes fragilisées par leur parcours migratoire.

Créée en 2018, l’association Ethnotopies œuvre à l’intersection des secteurs du soin, du social et de la culture pour soutenir les personnes migrantes confrontées à la précarité et à la perte de repères. Les femmes, les mères et les mineurs non accompagnés figurent parmi les publics les plus exposés aux violences et à l’isolement au cours du parcours migratoire.

Prendre en charge les vulnérabilités liées à l’exil par l’approche transculturelle

À l’échelle mondiale, plus de soixante millions de femmes et de jeunes filles déplacées ou apatrides vivent sous la menace de violences sexistes. Selon l’ONU, les violences sexuelles liées aux conflits ont augmenté de 50% en 2024 par rapport à l’année précédente, et 95% des victimes recensées étaient des femmes ou des filles. Ces chiffres rappellent combien l’exil peut amplifier les vulnérabilités et les traumatismes, notamment pour les femmes migrantes.

Ces fragilités croisées appellent une prise en charge transversale : c’est dans cet esprit qu’est né le projet. « Le mot « primavera » vient du brésilien, il évoque la germination, la possibilité d’un nouveau départ », explique Isabelle Calvel Pezat, coordinatrice de l’association. Il reflète notre approche : proposer une aide qui permet de reprendre racine et de se reconstruire ».

Le projet s’appuie sur une équipe pluridisciplinaire (psychologues, psychiatres, anthropologues, art-thérapeutes et interprètes-médiateurs) qui conjuguent leurs approches pour apaiser le mal-être en tenant compte des repères culturels et des expériences d’exil. Le soin y est dit « transculturel » : il intègre les croyances, les valeurs et les pratiques propres à chaque personne. L’intervention des interprètes et des anthropologues est donc centrale, car la manière d’exprimer la souffrance ou de penser le corps diffère selon les cultures. « Pour bien soigner, il faut d’abord comprendre d’où vient la personne, son rapport au monde et à la parole. C’est cette compréhension qui permet de retisser un lien de confiance », souligne Isabelle Calvel Pezat.

Mené en partenariat avec la consultation transculturelle du CHU de Bordeaux, le projet se déroule au sein de l’hôpital, assurant une continuité entre suivi médical et accompagnement associatif.

Primavera propose différentes activités collectives, comme cet atelier d'éveil pour les tout-petits. © D.R.

Des ateliers pour renouer avec soi et les autres

En parallèle des consultations, Primavera propose différentes activités collectives, en s’appuyant sur un réseau de partenaires locaux particulièrement investis : collectivités, structures sociales, services de santé, institutions éducatives et acteurs culturels.

Des ateliers d’expression artistique ou corporelle par exemple : « Lorsque la parole est empêchée, la création, le mouvement ou le chant offrent une autre voie d’expression », explique la coordinatrice. Les groupes d’échange Bate Papo sont réservés aux femmes pour aborder la santé, l’accès aux droits ou l’élaboration d’un projet professionnel. D’autres séances sont dédiées au lien mère-bébé et à l’éveil des tout-petits, car l’intégration commence dès le plus jeune âge. Les mineurs bénéficient eux aussi d’espaces d’échange adaptés.

Ces activités contribuent à restaurer l’estime de soi et à redonner confiance, en aidant chacun à retrouver une place dans la société d’accueil. Mohamed Lamide, un jeune participant à un atelier d’écriture, confie : « Écrire me permet de ne pas voir le temps passer. C’est une thérapie et je commence à m’attacher à cette routine ».

Le projet « Primavera » est aujourd’hui reconnu comme projet unique et nécessaire sur le territoire girondin. En 2024, il a permis le suivi régulier de quatorze femmes, cinquante-cinq familles et douze mineurs en situation de grande vulnérabilité. Dans un contexte de baisse des financements publics, la pérennité de l’action dépend du soutien de partenaires tels que la Fondation de France Sud-Ouest, dont l’appui joue un rôle décisif.

Au-delà du soin, Ethnotopies développe des formations destinées aux professionnels de santé, du social et de l’éducation. L’objectif : diffuser cette approche transculturelle et favoriser une meilleure compréhension des parcours migratoires et des effets psychiques de l’exil.