« Contribuer à une reconstruction respectueuse et durable, ancrée dans les réalités du pays » - Elisabeth Barbier
Elisabeth Barbier est membre du comité Solidarité Maroc de la Fondation de France. Composé de six experts bénévoles, ce comité a été mis en place dès les premiers jours suivant le séisme pour évaluer les besoins prioritaires et étudier les demandes de soutien. Diplomate de carrière, ancienne ambassadrice en Afrique du Sud et ex-directrice Afrique et océan Indien au ministère de l’Europe et des Affaires étrangères, Élisabeth Barbier représente la Fondation de France au comité Organisations de la société civile (OSC) de l’Agence française de développement.
Quelles sont les spécificités de cette urgence ?
Le séisme a frappé une région montagneuse du Sud du Maroc, très isolée et qui compte parmi les régions les plus pauvres du pays. Les habitants y vivent essentiellement d’agriculture et d’élevage, et leurs ressources sont très limitées. Certaines zones restent extrêmement difficiles d’accès, notamment en hiver, ce qui complique encore davantage les interventions. Ce séisme a représenté une double peine pour les personnes qui vivent dans ces territoires fragiles : outre les pertes humaines et matérielles, il a détruit de nombreux systèmes d’irrigation et bloqué certaines sources, rendant la reprise des activités agricoles très difficile. Malgré les efforts significatifs des pouvoirs publics, dans bien des cas, la population n’a pas encore pu reprendre une vie normale.
Quelle est la situation deux ans après la catastrophe ?
Nous ne sommes plus dans la phase d’urgence immédiate, celle de la distribution de tentes, d’abris ou de kits de première nécessité. Notre intervention s’oriente désormais vers des actions de plus long terme, avec des approches différenciées selon les territoires. L’ampleur des besoins varie en fonction de l’accessibilité des zones : dans certains villages, les matériaux de construction ne peuvent arriver qu’à dos d’âne. Cela nécessite une réponse localisée et ciblée sur quelques zones prioritaires pour assurer une prise en charge plus complète et cohérente.
Télécharger le bilan 2 ans d'action
Quelles sont les priorités de la Fondation de France aujourd’hui ?
Contribuer à la relance économique constitue un axe fort de notre intervention. Nous soutenons de nombreuses initiatives visant à permettre la reprise des activités agricoles et pastorales, notamment par la réhabilitation des sources et des points d’eau, un enjeu vital pour la population. L’éducation et la formation à l’emploi sont également au cœur de nos priorités, avec des projets conçus pour offrir aux jeunes, notamment aux filles, de réelles perspectives d’insertion professionnelle. Nous accompagnons aussi les femmes dans le développement d’activités génératrices de revenus, comme le tissage ou l’exploitation de l’argan, en valorisant les savoir-faire locaux.
La reconstruction est un autre chantier majeur. Il ne s’agit pas seulement de rebâtir, mais de le faire dans le respect de l’architecture traditionnelle, en lien avec des professionnels marocains. Cela concerne principalement les bâtiments collectifs : écoles, centres communautaires, espaces éducatifs ou de loisirs… Nous veillons à préserver l’accès à l’éducation des filles, en reconstruisant notamment des pensionnats pour leur permettre de suivre leur scolarité à distance des villages de leurs familles.
Enfin, l’accompagnement psychologique demeure essentiel. Nous soutenons plusieurs associations qui interviennent sur les questions de santé mentale pour les aider à ancrer durablement leurs actions dans le tissu local. Nous portons une attention particulière aux enfants devenus orphelins à la suite du séisme.
Comment les différents acteurs impliqués collaborent-ils ensemble ?
La Fondation de France s’appuie sur une présence locale forte : l’un des membres de notre comité vit au Maroc et assure un rôle de relais essentiel. Une part importante de notre soutien à renforcer les capacités des ONG marocaines, afin d’assurer la pérennité de leurs actions et de consolider leur structuration. Nos relations avec les associations locales sont fondées sur un lien de confiance, alliant flexibilité, rigueur et responsabilité. Nos missions régulières sur le terrain nous permettent d’ajuster nos orientations et d’accompagner les associations dans la durée. L’objectif est clair : contribuer à une reconstruction respectueuse et durable, ancrée dans les réalités du pays et redonner des perspectives aux populations les plus vulnérables touchées par le séisme.
A VOIR AUSSI