L’association African Futures Lab engagée pour la justice raciale
Depuis sa création en 2021, l’association African Futures Lab (AFaLab) s’appuie sur la recherche pour documenter les discriminations raciales historiques et contemporaines et plaider pour des réformes durables.
« J’ai grandi avec les modèles d’ONG internationales comme Human Rights Watch, dont les rapports pouvaient influencer les décisions publiques. Mais j’étais frustrée de me rendre compte qu’il manquait, en Europe comme en Afrique, de structures capables de produire des connaissances solides sur les questions d’égalité raciale », raconte Liliane Umubyeyi, cofondatrice d’African Futures Lab (AFaLab).
De ce constat est née l’association, qui se donne pour mission de révéler les inégalités raciales et d’encourager des politiques de réparation. « Ce n’est pas suffisant de se remémorer. Pour pouvoir se reconstruire, il faut qu’il y ait une justice », assure Liliane Umubyeyi. Et d’ajouter : « On ne peut pas comprendre l’esclavage et la colonisation sans voir qu’ils sont allés de pair avec une violence patriarcale, qui s’attaquait au corps des femmes africaines. Les discriminations subies aujourd’hui par les femmes noires découlent directement de siècles de domination raciale et sexiste ». Selon un rapport d’Amnesty international , les femmes noires sont 84 % plus susceptibles que les femmes blanches d’être visées par des tweets injurieux, rappelle AFaLab.
Un travail de recherche mené dans huit pays
Pour sensibiliser le grand public et les institutions à ces préjugés raciaux, AFaLab mène, avec le soutien de la Fondation de France, un projet de recherche de six mois consacré à la persistance des stéréotypes et des injustices subies par les femmes noires, depuis l’époque coloniale jusqu’à aujourd’hui. Dirigé par les chercheuses Daphné Budasz et Gavaza Maluleke, le projet documente les discriminations dans quatre anciennes puissances coloniales (la France, la Belgique, le Royaume-Uni et l’Allemagne) et dans leurs ex-colonies (le Sénégal, la République Démocratique du Congo, le Kenya et la Namibie).
L’objectif : montrer comment les stéréotypes raciaux et sexistes hérités de la colonisation continuent de produire des violences physiques, sociales, économiques et politiques à l’encontre des femmes noires.
Le travail des deux chercheuses vise à demander aux décideurs politiques et aux institutions des réformes concrètes mais aussi à embarquer d’autres associations dans le combat.
Les résultats de l’étude, attendus pour janvier 2026, donneront lieu à plusieurs initiatives : une série de podcasts réunissant chercheuses, militantes et responsables politiques dès le mois d’avril, puis une exposition d’œuvres artistiques, accompagnée de débats publics à l’automne.
Pour AFaLab, l’art est un levier essentiel pour rendre ces sujets accessibles au plus grand nombre. « Utiliser les arts plastiques, la musique, la danse, le stand up nous permet de sortir la conversation des cercles académiques et des ONG », souligne Liliane Umubyeyi. Cette démarche s’est notamment illustrée lors du Wakati Wetu Festival , organisé les 22 et 23 octobre à Nairobi. Un temps fort pour l’association qui a réuni plus de 200 participants autour des enjeux de justice postcoloniale et climatique.

Stéréotypes racistes et nouvelles technologies
L’association envisage aujourd’hui d’étendre ses travaux à l’impact des technologies numériques et de l’intelligence artificielle sur les discriminations raciales. « Des études montrent déjà que les femmes afro-américaines sont plus souvent mal identifiées par les systèmes de reconnaissance faciale que les hommes blancs », rappelle la cofondatrice d’AFaLab. L’association s’intéresse aussi aux stéréotypes racistes véhiculés par les outils d’IA, dans la continuité d’un rapport de l’UNESCO publié en 2024 sur les biais sexistes et raciaux présents dans les grands modèles de langage de Meta et d’OpenAI*.
*« Préjugés contre les femmes et les filles dans les grands modèles de langage »