Philanthropie et démocratie : quels enjeux et perspectives pour les fondations ?
Si la philanthropie, à travers les actions qu’elle mène, contribue à promouvoir la démocratie, elle doit aussi rappeler sa légitimité « démocratique » en tant qu’organisation privée au service de l’intérêt général. Approfondir les relations entre philanthropie et démocratie était l’objet d’une étude confiée par l’Observatoire de la philanthropie de la Fondation de France à deux chercheurs indépendants : Nicolas Duvoux, sociologue spécialiste de la philanthropie en France, et Sylvain Lefèvre, politiste basé à Montréal. Cette étude a été présentée le 7 décembre dernier en présence de personnalités expertes du sujet. Retour sur cette restitution et sur les principaux enseignements de l’étude.
« Il existe une tension constitutive de la philanthropie, entre l’origine privée des capitaux et leur destination qui est l’intérêt général », a expliqué Sylvain Lefèvre en soulignant à quel point cette tension avait pu avoir des résonances très diverses selon les époques. Mais aujourd’hui, à l’heure des grands défis liés à l’urgence climatique, la montée des inégalisés ainsi que la remise en question du modèle démocratique, il est important de s’interroger sur le rôle et la légitimité de la philanthropie. Pour Axelle Davezac, directrice générale de la Fondation de France, « il est indispensable de se poser la question de la légitimité lorsqu’on travaille dans une Fondation. Avec beaucoup d’humilité et de responsabilité. Comment construire la collégialité nécessaire pour prendre les bonnes décisions, pour identifier les actions les plus efficaces ? » Et d’ajouter : « cela ne peut être fait que de manière transversale en associant toutes les personnes concernées par nos actions. C’est un changement de posture profond mais une garantie d’efficacité, cela nécessite de renoncer à être le sachant et de promouvoir un apprentissage graduel ».
Sylvain Lefèvre a également appelé « la philanthropie à renforcer sa légitimité démocratique par une participation forte des principaux intéressés, l’évaluation et la mise en délibération de ses actions et la conception de son usage comme un capital commun ».
Philanthropie, État et société civile : des relations protéiformes
La philanthropie fonde aussi sa légitimité sur la nature des sujets auxquels elle peut s’atteler, et sur la façon dont elle agit. En complémentarité avec l’action de l’Etat. « La philanthropie est fille de la société à laquelle elle appartient, les formes qu’elle va revêtir sont fortement liées au type d’Etat dans lequel elle s’inscrit » a souligné Nicolas Duvoux. Elle peut agir « comme un contre-pouvoir dès lors que les causes qu’elle soutient ont du mal à avancer ». Il cite l’exemple de la France où la difficulté à mettre en œuvre des politiques publiques de lutte contre les discriminations efficaces a conduit Open Society Foundations à s’emparer du sujet et démontrer la prégnance des pratiques de « contrôle au faciès ».
Il souligne aussi que l’une des particularités de la philanthropie, est « qu’elle s’inscrit dans un temps long, en n’étant pas assujettie au temps court du marché ou la procédure électorale, ce qui en fait non pas un instrument de la conservation des ressources mais un instrument de réformes et d’innovation de la société ».
Grâce à un répertoire d’actions très varié, les acteurs de la philanthropie peuvent défricher de nouveaux sujets, expérimenter de nouvelles solutions, prendre des risques.
Pour découvrir l’étude “Philanthropie et Démocratie enjeux et perspectives pour les fondations au XXIe siècle ?” :
Download the study (EN)