Le Grand Bain, un projet pour favoriser la mixité sociale à l’échelle de la ville de Marseille
Face à la fracture sociale grandissante dans les quartiers de Marseille, l’association CitizenCorps a lancé le projet Le Grand Bain. L’objectif : permettre à des enfants issus de différentes écoles de se rencontrer et de tisser des liens dès leur plus jeune âge. Rencontre avec Marion Chapulut, fondatrice et présidente de l’association.
Comment est né le projet Le Grand Bain ?
association CitizenCorps œuvre pour faciliter, accompagner et valoriser l'apprentissage et l’engagement des jeunes. Nous avons constaté des disparités sociales de plus en plus importantes entre enfants de quartiers proches et des rencontres de plus en plus rares entre ces enfants car l’école ne favorise plus suffisamment la mixité sociale. C’est dans cette optique qu’est né Le Grand Bain en 2020, à Marseille, pour permettre aux enfants de se rencontrer. Depuis 3 ans, le projet a réuni près de 850 enfants venant d’écoles de quartiers d’une grande diversité : QPV, REP+ (réseaux d’éducation prioritaires dans des quartiers isolés), quartiers aisés... Nous travaillons main dans la main avec les acteurs de l'innovation sociale sur le territoire marseillais : écoles, institutions, projets culturels, tout en embarquant également les parents dans cette démarche.
NotreQuel est son objectif et comment est-il mis en œuvre ?
En 2021, nous avons lancé un prototype du projet, en collaboration avec cinq enseignants de primaire. Il ne s'agissait pas seulement de tester des idées, mais aussi de co-construire le programme avec eux. Le principe est très simple : des jumelages de classes proches géographiquement mais aux réalités sociales très éloignées. Par un cheminement pédagogique qui dure toute l’année scolaire, nous créons les conditions d’une vraie rencontre, d’un respect mutuel autour d’un projet commun et finalement parfois la création de liens d’amitié. Nous souhaitons redonner confiance à ces élèves, qui ont de 7 à 11 ans et recréer un lien fort entre eux dans le cadre scolaire mais aussi en dehors à travers des activités extrascolaires.
Le programme est conçu pour développer chez eux des compétences telles que la curiosité, la connaissance de soi et la confiance en soi et en l’autre pour apprendre l’empathie. Nous avons créé une boite aux lettres dans chaque classe pour que les enfants puissent entretenir des échanges épistolaires. Nous organisons des journées de rencontres autour de sorties thématiques pour créer du lien et réaliser des productions communes. À la fin de l’année, une restitution réunit tous les élèves et la communauté éducative, pour présenter aux parents leur production.
Pourquoi favoriser la mixité sociale est important pour l’avenir ?
Le manque de dialogue entre les différentes strates de la société empêche de percevoir la richesse de chacun et renforce les clivages et les préjugés. Il est essentiel de changer le regard que l’on porte sur l’autre. Il ne s'agit pas d’imposer une relation de domination, mais de s'apporter mutuellement, dans un esprit de fraternité. Cela fait huit ans que je suis confrontée à cette réalité : il est très difficile d’implanter la fraternité dès le plus jeune âge. Mais c’est un travail de longue haleine qui mérite toute notre attention. Nous devons apprendre à communiquer et à valoriser ces différences. Cela permettrait aussi de renforcer la créativité des jeunes, leur solidarité et leur envie d’engagement. C’est le slogan du Grand Bain : « plonger les enfants dans la richesse des différences pour grandir et éduquer à la citoyenneté ».
Quelles sont vos perspectives ?
Aujourd’hui, nous travaillons avec 34 classes marseillaises soit près de 1000 enfants impliqués dans le projet. La Fondation de France soutient notre programme et nous permet d’être accompagnés cette année par un chercheur pour une période de deux ans, qui va se pencher sur les impacts de notre action et les effets de ce contexte de mixité recréée. Les résultats de cette recherche nous permettront d’évaluer ce qui fonctionne afin de préparer un essaimage du projet. D’ici la rentrée 2026, nous voulons toucher la moitié des écoles marseillaises avec l'espoir que les politiques publiques s’empareront de cette initiative. À terme, nous souhaitons rendre le programme accessible à toutes les écoles de Marseille, et pourquoi pas au-delà.
Une anecdote marquante à partager ?
Je pense à l’histoire de deux garçons, issus d’écoles jumelées : l’école de la Treille, situé dans le quartier aisé de la Treille, et l’école d’Airbel, un établissement dans une cité du même arrondissement le 11ème, enclave extrêmement pauvre. Ces deux enfants sont devenus très copains et continuent à se voir pour jouer au football ensemble. Cette anecdote est emblématique de ce que nous souhaitons accomplir : faire tomber les barrières, casser les idées reçues, et surtout, donner à chaque enfant la fierté et la confiance en soi nécessaire pour devenir un citoyen écouté et engagé dans sa ville, quel que soit son quartier.
Crédit photos : © CitizenCorps
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